Un mot du Président de la Société Paul Claudel &emdash; Paris

Nul ne peut nier que le théâtre de Paul Claudel soit dans l'actualité, sinon on ne continuerait pas de le jouer autant et il aurait cessé d'attirer un public aussi nombreux que divers et très souvent passionné. Mais qu'est ce que l'actualité de notre temps ? La lutte entre le Bien et le Mal &emdash; Quels sont-ils d'ailleurs ? &emdash; l'opposition entre l'argent et le mythe égalitaire, le conflit entre le réalisme et utopie, le fossé qui se creuse entre un homme et une femme, le combat entre la foi et la raison, entre tradition et modernité, entre vérité et liberté. Le théâtre de Claudel est bâti sur ces antagonismes qui ont toujours existé et existeront toujours. A ces thèmes, le poète a donné la magie de son verbe, la puissance de son art poétique et le souffle de ses convictions. C'est sans doute parce que trop souvent dans le monde manquent ces éléments et sont occultés ces thèmes que le spectateur d'aujourd'hui les recherche et goûte la force et la beauté qu'ils trouvent dans ce théâtre. Quant à l'Echange, voici ce qu'en dit le poète lui-même : « Ce drame nous montre un de ces conflits ou les amants, malgré une attraction réciproque, née précisément de la contrariété, sont séparés par des intérêts divergents. » et aussi « Mais ... manque-t-il aussi de sauvages, c'est-à-dire d'irréductibles, engagés dans la protestation &emdash; est elle complètement illégitime ? &emdash; de l'individu contre la règle. » A cette question, il a répondu dans bien de ses pièces où le prestataire, quel qu'il soit et quoi qu'il fasse, a droit au respect voire à l'admiration parce qu'il incarne ce qu'il y a peut-être de plus noble dans l'homme : la conviction. Dans notre monde d'hypocrisie et de lâcheté, cette vertu, au service parfois hélas de mauvaises causes, manque trop souvent. Quant aux rapports amoureux, Paul Claudel, qui les a éprouvés avec O combien d'intensité, en a montré les contradictions et les insuffisances qu'expliquent leur issue fréquemment malheureuse, lorsque l'amour humain n'est que cela et de façon imparfaite... Mais l'aspect religieux direz-vous ? Dans L'Echange son contenu est peut-être plus spirituel que directement religieux malgré Marthe que le poète voit, surtout dans la première version, comme une figure religieuse. D'autre part, si l'on suit Paul Claudel dans ses propres commentaires, les quatre personnages du drame « ne sont que les quatre aspects d'une seule âme qui joue aux quatre coins ». N'est ce pas, ici encore, une caractéristique de notre temps où les hommes, qu'ils en aient ou non conscience, sont pris dans un tissu de contradictions conduisant à l'incohérence de nos sociétés humaines, centrées sur elles-mêmes et oublieuses de la transcendance. Ces quelques propos ne sont qu'une contribution modeste et imparfaite à la question posée sur l'actualité de L'Echange et plus largement du théâtre claudélien dont chaque représentation permet d'approfondir le message comme d'admirer le génie.

Hubert MARTIN, Président de la Société Paul Claudel

12 avril 2005

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