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Multitudes 22. Automne 2005.


- Philosophie politique des multitudes (2)
- Toni Negri : Réponse à Pierre Macherey
- Créoles
- François Cusset : French Theory et cybernétique
- Peter Weibel/Hans Belting/Boris Groys

Pour sa 22e livraison, la revue Multitudes trace une diagonale entre les mouvements de fond qui travaillent nos gestes et nos devenirs politiques en ce début de troisième millénaire. Ce numéro entre ainsi en dialogue avec les auteurs, les pensées et les concepts qui contribuent le mieux à définir notre présent : Foucault, Spinoza, Rancière, Negri, Althusser, Peter Weibel, la French Theory, le pragmatisme de l’expérimentation, la démocratie radicale, la résistance à la logique de guerre de la croisade anti-terroriste, la créolisation de nos êtres et de nos expériences.
Après une En-tête dans laquelle Yann Moulier Boutang dissèque le mille-feuille des « non » français et néerlandais aux référendums sur la Constitution européenne, le dossier principal constituant la Majeure fait le point, trois ans après la réflexion menée dans le No 9 de la revue, sur les développements récents de la Philosophie politique des multitudes. François Matheron propose une lecture d’Althusser qui fait de « l’insituabilité » la caractéristique première de la politique ; Bruno Karsenti et Maurizio Lazzarato esquissent une « politique du dehors » et « un passage par l’extérieur » à partir des analyses de la gouvernementalité, du libéralisme et du pastorat proposées par Foucault dans ses cours de 1977-1979 récemment publiés ; Laurent Bove s’appuie sur Spinoza pour montrer que la politique doit être abordée comme une anthropogenèse, comme « le mouvement réel de génération de la complexité » à travers la coopération des singularités constituant le corps commun ; Sandra Laugier revisite certains courants de l’individualisme américain pour définir la démocratie radicale en termes de self-reliance, d’expression, de dissentiment et de désobéissance ; Yoshihiko Ichida sollicite la pensée de Jacques Rancière pour esquisser une ontologie politique tendue entre subjectivation et activité d’une imagination qui se différencie perpétuellement de soi ; enfin, Didier Debaise propose de reconfigurer notre philosophie politique à partir de « la pensée technique de l’expérience » que propose le pragmatisme anglo-saxon, troquant les vieilles questions de domination et de maîtrise pour une approche articulée en termes d’effets et de transformations.
Loin de faire l’objet d’un usage incantatoire qui serait rapidement condamné à tourner à vide, la notion de « multitude » n’est directement sollicitée et analysée que dans le Hors Champ rédigé par Toni Negri en réponse à trois critiques formulées récemment par Pierre Macherey.
Le second gros dossier de ce No 22 propose une Mineure (composée par Jean-Yves Mondon et Laurent Bove) consacrée à l’investigation de ce qui (se) constitue (dans) « le créole » – catégorie appelée à jouer un rôle de plus en plus central et contesté dans les reconfigurations politiques à venir. Jean-Yves Mondon fonde sa réflexion sur les usages complexes du mot « créole » à l’intérieur même du monde créole (des Mascareignes), dépliant ainsi les effets multiples et contradictoires de mise à distance, de métissage et de soustraction qui se trament entre des formes d’expériences coexistantes ; Raphaël Confiant revisite l’histoire de la créolité entre crispations nationalistes et mondialisation étasunienne, pour en faire un principe de résistance à tout enfermement identitaire ; Alexandre Alaric articule une lecture de l’oeuvre d’Édouard Glissant qui dégage de son anthropologie poétique une pensée de la migration mondiale et de la multitude ; Yves Citton propose de concevoir « le créole » non tant à partir du « métissage » que des opérations d’élection-sélection-intellection exécutées par ces frontières vivantes que sont les membranes ; enfin, Madison Smartt Bell resitue la créolisation dans le contexte éthique, racial et linguistique qui a découlé de la révolution haïtienne.
La rubrique Insert accueille un texte dans lequel François Cusset remet les pendules à l’heure sur les liens, plus fantasmatiques que réels, qu’entretiennent la French Theory post-structuraliste (Foucault, Deleuze, Derrida, Lyotard) et la cybernétique américaine, opérant ainsi une mise au point des plus utiles en une époque où la « pensée 68 » se voit accusée de tous les maux du néolibéralisme.
La section Icônes est consacrée à l’oeuvre de Peter Weibel, avec une série d’images tirées des oeuvres et des performances de l’artiste, ainsi que deux textes qui en contextualisent les enjeux : le premier, de Hans Belting, analyse les « télé-actions » par lesquelles Weibel a cherché à redonner vie aux images télévisuelles, tandis que le second, de Boris Groys, inscrit le travail de Weibel dans le prolongement paradoxal des avant-gardes du vingtième siècle.
Dans la rubrique Liens, Giselle Donnard, en rendant compte du livre Tchétchénie, une affaire intérieure , aide à comprendre les mécanismes par lesquels les États instrumentalisent la menace terroriste et les conflits ethniques pour renforcer leur pouvoir de contrôle et d’oppression.

A travers les dialogues qu’il met en place au sein de la philosophie politique contemporaine, et à travers l’éclairage que la catégorie du « créole » leur apporte, ce vingt-deuxième numéro poursuit bien le travail de frayage de nouvelles voies d’action et de pensée politiques auquel se consacre depuis cinq ans la revue Multitudes


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