"La pochette du Bal des oiseaux (le premier album de Fersen, en 1993), signée Doisneau, portait au revers un moineau. Pour celle des Ronds de carottes (1995), Mondino avait posé un lapin sur l'épaule du chanteur. Il orne, cette fois, sa pochette d'un poisson. L'homme selon Fersen est un drôle d'oiseau, un rongeur de rêves, un poisson hors de l'eau&endash;ou noyé d'eau de vie: "Ma douceur", sur fond de jazz feutré, est une des plus réjouissantes chroniques de gueules de bois que l'on puisse ouïr... Mais tout ce Jour est réjouissant, vif, inventif. Quel bonheur d'écriture! Grâce au bestiaire métaphorique, l'amour même redevient une aventure poétique. Que l'on est bête embarque sur son arche ours et gazelle, gorille et belette. "Les Papillons" donnent leurs couleurs aux songes et mensonges d'une vie... L'homme selon Fersen mise, le jour, ses rêves sur un cheval, et la nuit, sur la course d'une main aimée, main-araignée.
"Imaginaire allé dansant sur des volcans. Le chagrin n'est jamais loin, qui parfois se met à nu. Mais Fersen le défie d'un clin d'il. Et sa musique fait la nique aussi aux jours poisseux. Saluons ici la rigueur et la vigueur de l'équipe: au premier chef Joseph Racaille, arrangeur dérangé, éclectique orchestrateur. Avec lui (et le groupe Bratsch, pour "Où trouver des fleurs un lundi soir après minuit?"), les écailles multiplient leurs éclats. Ambiances klezmer, mambos, tangos, valses manouches, country, ballades... Didier Lockwood est venu, et Richard Galliano, et un quator à cordes, et tout un orchestre. Chaudes couleurs, soles sensuelles, tournoiements enivrants... La voix rieuse et râpeuse mène le bal. L'homme Fersen est un poisson volant, un poisson-chat, un poisson-chant."
"Trenet, Brel, Ferré, ça fait beaucoup de pères, non? Je suis le fils d'une seule personne, mon père," s'exclame Thomas Fersen lorsque l'on évoque la paternité de sa musique avec ces légendes de la chanson française.
Révélation de l'année 1994 aux Victoires de la musique grâce au "Bal des oiseaux" (l'album du même titre s'est vendu à 56 000 exemplaires), cet ancien punk, âgé de 34 ans, est père d'une petite fille de 6 ans. Son deuxième album, Le Jour du poisson (WEA), confirme tout le bien que l'on pensait de lui.
Thomas Fersen, auteur-compositeur-interprète, paraît serein. "Je ne ressens aucune pression et la reconnaissance de mon travail n'a en aucun cas perturbé ma vie... Ce disque est le cheminement logique de mon travail d'écriture. Lorsque je finis un album, je continue d'écrire en pensant au suivant. Ce n'est pas un milieu de frileux, ou alors je suis inconscient."
Jazz, tango, folklore tzigane, avec notamment "Bucéphale", la musique de Thomas Fersen chemine via La Nouvelle-Orléans, Bucarest et Cuba. Avec sa voix éraillée qui rappelle Arthur H et son goût prononcé pour les mots (Prévert), Thomas Fersen s'inscrit dans la grande tradition des chanteurs à textes français et se veut être un rempart face à l'invasion anglo-saxonne.
"La musique anglaise est omniprésente sur les ondes. C'est ube musique conformiste, réactionnaire et colonisatrice. A côté, nous sommes des Indiens."